Samedi 20 octobre 2012. 17ho4. J'ouvre les yeux. Mon corps me fait mal et pourtant je ne le sens presque pas. La clarté de la chambre dans laquelle je me trouve m'éblouis et me force à plisser les yeux pour distinguer les contours de la pièce. Rapidement, la nouvelle me saute aux yeux. Je ne sais pas où je suis. Une femme entre dans ma chambre affolée. Je reconnais ses vêtements, c'est une infirmière. Elle s'adresse à moi mais je n'ai pas envie de l'écouter. Mes yeux sont lourds, je ferme mes paupières quelques instants et je sombre à nouveau dans le sommeil.

Dimanche 21 octobre 2012. 1oh42. Je fixe le plafond depuis une bonne dizaine de minutes, plafond blanc sans intérêt particulier il fallait l'avouer, mais plafond qui m'intriguait malgré tout. J'avais fini par me souvenirs de deux trois choses, surtout des flashs, une voiture, des phares, le bruit de pneus crissant sur le bitume, puis un bruit affreux et plus rien. Tout à l'heure, n'y tenant plus j'avais voulu me lever et si je n'avais pas eu le réflexe de m'agripper à mon lit j'aurai fini face contre terre, mes jambes ne me soutenaient plus, ou très très peu. La même infirmière que la veille entra à ce moment là dans ma chambre. Je crois que je lui ai lancé un regard si désespéré qu'elle a prit peur. En tout cas elle a fuit, après m'avoir ordonné de me remettre au lit et d'attendre. Alors j'attends. Fixant inlassablement ce plafond immaculé. Ou presque.

Je ne savais pas combien de temps avait passé depuis que cette femme avait précipitamment quitté ma chambre, mais au bout de quelques minutes qui me semblèrent interminables à force de fixer ce plafond d'un blanc immaculé je n'étais plus vraiment focalisée sur ce qui se passait dans ma chambre, si bien que lorsqu'elle revint accompagnée d'un médecin je ne pus m'empêcher de sursauter. « Bonjour Mademoiselle Blackwood. Je suis le Docteur Smith, je suis ravi de vous voir enfin réveillée. » « Euh, moi aussi ? » « Vous êtes un peu perdue c'est normal après tout, 3 ans de coma c'est long. Très long. » « Pardon ? »

Il a reprit la parole aussitôt, mais déjà je ne l'écoutais plus. Je ne comprenais pas. 5 ans de coma ? Comment était-ce possible ? Comment était-ce arrivé ? Et puis les morceaux de puzzle se regroupaient, ces flashs dans ma tête .. J'essayais de me concentrer sur ce qu'il racontait et de ne pas trop penser aux conséquences que cette nouvelle allait avoir sur ma vie .. « .. au début vous ne serez que très peu autonome, un important travail de rééducation va devoir être effectué, non seulement pour vous réapprendre les gestes du quotidien, mais également pour accepter et appréhender ce nouveau corps que vous avez ! » Nouveau corps ? Ah oui. En 3 ans, beaucoup de choses peuvent changer physiquement, surtout dans mon cas .. J'avais 19 ans dans mon dernier souvenir, 3 ans plus tard, je devais avoir presque 22 ans .. Je ne m'étais pas encore vue, mais je me préparai déjà au choc que j'allais avoir lorsque je me retrouverai face à un miroir. « .. Maëlle ? Maëlle vous m'écoutez ? » « O..Oui ! Oui bien sûr. Excusez-moi, je suis un peu ailleurs. » « Je sais que ces nouvelles doivent être perturbantes, mais il faut que je vous confie une autre nouvelle .. Lorsque vous avez eu votre accident il y a 3 ans .. Vous n'étiez donc pas seule dans la voiture, votre ami .. » Je n'eus pas besoin d'en écouter plus, la fin de sa phrase n'était pas bien compliquée à deviner et expliquait pourquoi je m'étais réveillée seule, sans aucune présence à mes côtés. Je n'arrivais pas à être réellement triste, en fait, c'était comme si je ne ressentais rien. Après tout, après avoir passé 3 années endormie, c'était peut-être normal. Sûrement même.

3 mois plus tard.

02 janvier 2013. Aujourd'hui c'est le grand jour, je vais enfin pouvoir sortir d'ici. Recommencer une nouvelle vie. Prendre un nouveau départ. Au revoir Maëlle. Bonjour Izia. Une nouvelle vie s'offre à moi, et je compte bien saisir ma chance. Je fais mes premiers pas à l'extérieur de cet hôpital. Je respire l'air de Cambridge, je respire la vie, le renouveau. Je revis. Tout simplement. Je vais emménager dans l'appartement où j'ai grandis, pour rester près de mes parents malgré tout, malgré qu'ils ne soient plus là aujourd'hui, je sais qu'ils auraient été fiers de moi, je n'ai pas lâché, malgré les pertes de mémoire, malgré les petits soucis qui accompagnent ma guérison. Je ne lâcherai pas. Jamais.

Aujourd'hui.

06 février 2013. Troubles de la mémoire, absences de courte ou longue durée, troubles de l'attention et du sommeil, voilà entre autre ce qui rythme mon quotidien aujourd'hui, mais je m'y suis faite avec le temps. J'ai repris des cours par correspondance pour me remettre à niveau. Rattraper 3 ans d'études c'est long, et compliqué surtout. Je bosse dans un café pour ne pas être tout à fait inactive. Et je suis heureuse. Vraiment. J'aime ma vie. J'aime être en vie. On dit souvent que j'ai des manies de gamine, mais que voulez-vous, dans ma tête j'ai toujours 19 piges, je n'ai pas grandis, pas encore, mais ça viendra, je le sais, laissez juste faire le temps, je grandirai moi aussi.